Éditions GOPE, 132 pages, 21.6x14.0 cm, 17.85 €, ISBN 979-10-91328-19-7

Éditions GOPE, 132 pages, 21.6x14.0 cm, 17.85 €, ISBN 979-10-91328-19-7

vendredi 9 janvier 2015

Lily Wong , une nouvelle vie française

Le strip de Larry Feign a dressé le portrait des Hongkongais entre 1986 et 1995. Sa traduction en français vient de sortir.
Avec le mouvement des parapluies, le dessinateur américain s’avoue pour la première fois en manque de son personnage.



Jusqu’à présent, il s’en passait. Mais le mouvement des parapluies lui a donné envie de reprendre Le Monde de Lily Wong.
« Je dessinerais CY Leung [le chef du gouvernement hongkongais, ndlr] caché sous son bureau ! » plaisante Larry Feign, enthousiasmé par « ce qu’ont fait les étudiants, même si c’est en même temps déprimant ».
Mi-décembre, la police a mis en pièces le dernier campement des manifestants pro-démocratie et a ainsi interrompu plus de 70 jours d’opposition à un suffrage universel limité, décidé par Pékin pour Hongkong… lire la suite sur le site de Le Temps.

Larry Feign et Arnaud Lanuque présentant Le monde de Lily Wong à la librairie Parenthèses (Hong Kong)


Frédéric Lelièvre, janvier 2015.

vendredi 19 septembre 2014

Un trésor d’humour délicat


Le Monde de Lily Wong
Le quotidien de Lily Wong, citoyenne chinoise de Hong Kong, pendant la colonisation britannique. À la recherche de l’âme-sœur, elle doit composer avec un père xénophobe, une mère marieuse et un frère turfiste. Hong Kong no-star story.

L'histoire
Un matin, dans le métro bondé, Lily se retrouve collée à un Gwailo (un blanc). Jusqu’ici agacé par cette affluence matinale et les odeurs de transpiration parmi les voyageurs serrés comme des sardines, le jeune homme se dit qu’il a finalement la chance d’être plaqué à la plus belle femme de Hong Kong. Tout à savourer le moment, il ne remarque pas que le wagon s’est vidé et qu’il n’y a plus de raison à rester collé à la jeune femme. Lily, elle, ne manque pas de lui faire remarquer… Emporté par son attirance, le jeune homme se présente sans ménagement et reçoit une claque appuyée en réponse. Il sort pourtant de la rame sur les talons de Lily, fermement décidé à ne pas se laisser décourager par son attitude pour le moins négative. Finalement, il joue sa dernière carte, en criant à qui veut l’entendre que, puisque c’est comme ça, il partagera le million de dollars dont il a hérité avec quelqu’un d’autre ! Effet immédiat : il obtient le numéro de téléphone de la jeune femme ! Pour autant, quand il lui demande s’il y a une relation de cause à effet, une nouvelle bonne baffe lui rappelle que la conquête sera pour le moins ardue…

Ce qu'on en pense sur la planète BD
Larry Feign, dessinateur et écrivain mondialement salué (Amnesty International…), publiait en 1986-87 dans le Hongkong Standard, Le monde de Lily Wong, une chronique « one strip » satirique sur les interactions anglo-chinoises d’avant le retour de la cité dans le giron territorial.
Ici compilée en format 15 x 21, l’intégrale est un bijou dans son domaine. Bien que graphiquement anodines, les aventures de Lily recèlent un trésor d’humour délicat sur les relations hommes-femmes, au-delà du propos satirique local. Les personnages ont tous un caractère marqué, bien assorti au ton pince-sans-rire de l’ensemble. Et les gags s’enchaînent au rythme soutenu imposé par un format qui rappelle celui des storiettas de Mafalda. Délibérément provocateur dans à peu près tous les domaines, Feign touche la corde sensible, dénonçant mine de rien les travers d’un système où l’intégration et les différences ethniques sont un sujet pour tous. Ainsi, les parents et le frère de Lily sont confrontés au fossé des cultures que la jeune femme semble prête à franchir en se laissant courtiser par un « Gwailo », terme plus ou moins péjoratif qui désigne les blancs à Hong Kong. Cette situation révèle les difficultés que rencontrent ceux qui s’affranchissaient des règles en vigueur et les oppositions butées auxquelles ils se confrontaient dans cette enclave qui fut britannique jusqu’en 1997. Le ton est tout simplement irrésistible. En un mélange d’humour à froid et d’austérité communiste déjà en lambeau à cette époque, l’auteur livre une perle de choix, intemporelle parce qu’impartiale et tendre envers le genre humain.

Fabien Gil, 16 septembre 2014.

Drôle et instructif à la fois


Résumé
Dans le métro de Hong Kong (alors colonie britannique), la jeune et jolie Lily Wong fait la connaissance avec un « Gwailo », un étranger de race blanche. Ce dernier tombe sous son charme et multiplie les avances, sans grand succès. Lily a également fort à faire avec son frère, fumeur compulsif, parieur notoire, paresseux de nature, son emploi chez un exportateur de cercueil ou son père, détestant les étrangers. Côté politique, Hong Kong va aussi quitter le giron britannique et l’émigration tente de plus en plus ses habitants. Lily Wong cédera-t’elle aux sirènes des autres nations ?

Notre avis
Larry Feign a vécu à Hong Kong et ses strips mettent en scène une réalité propre à cette région si spécifique. Ses gags sonnaient d’ailleurs tellement juste qu’ils n’ont pas été vus d’un très bon œil par le pouvoir de Pékin… Alors, certes, ces strips commencent sérieusement à dater et les jeunes générations ignorent même que Hong Kong n’a pas toujours été chinoise, mais malgré tout, grâce à l’humour, Feign dépeint les travers de cette société, tout en abordant aussi d’autres thèmes tels que le racisme, le snobisme, la politique, la vénalité… C’est drôle et instructif à la fois.

En deux mots
Humour « gwailo » !

Anthony Roux

mardi 16 septembre 2014

Le monde pétillant de Lily Wong


Le monde de Lily Wong, c’est un recueil de strips de BD humoristique parus dans la presse hongkongaise des années 80. Leur auteur, Larry Feign, a vécu à Hong Kong durant de nombreuses années. Vous connaissez peut-être le dessin animé Les Entrechats, série à succès dont il était storyboarder !

Larry Feign offre à travers les aventures de Lily une vision de Hong Kong à la fois drôle et touchante. Il  aborde à la fois les préoccupations quotidiennes (l’amour, l’absurdité de l’administration, l’intégration au travail…) et des sujets plus sensibles (le racisme, la maltraitance, le viol…) avec humour et finesse, toujours.

Stuart, expatrié américain sympathique un brin candide, tombe amoureux de Lily, jeune et belle Hongkongaise au caractère bien trempé. Stuart est sans cesse confronté aux absurdités qui font le quotidien de cette immense ville et de ces gens à la culture opposée à la sienne, tandis que Lily a appris depuis toute jeune à survivre dans cette jungle qu’est Hong-Kong, sa ville natale, où il ne fait pas bon être une jeune femme… surtout si on est jolie, intelligente et intègre!

Les gags de 4 cases se suivent et finissent par former une histoire. Une histoire qui n’est pourtant pas si joyeuse. Et pourtant, on rit de bon cœur à chaque page, tant les gags sont absurdes, cruels, parfois trop vrais, et pour beaucoup encore très actuels, 30 ans après. Il y a une finesse évidente dans l’humour de Larry Feign qui force l’admiration! On lit Le Monde de Lily Wong d’une traite, sans s’ennuyer une seule seconde, en s’arrêtant parfois pour se demander à quel point ces gags sont le reflet d’une réalité décidément tout sauf rose… pour autant, Le monde de Lily Wong ne tombe jamais ni dans le pathos ni dans le choquant : ici tout est au service de l’humour, et Larry Feign sait faire rire de 7 à 77 ans sans pour autant bêtifier son lectorat. Un tour de force dont peu d’auteurs sont capables !

Le style des dessins ravira les amateurs de comics occidentaux : les personnages sont très expressifs, caricaturaux et détestables à souhait ! Le découpage en 4 cases est toujours bien mené et rythme la lecture de manière agréable.

Seul bémol : le prix, excessif à mon sens pour une édition en petit format noir et blanc. Toujours est-il que cet ouvrage a tout pour plaire à un très large public, ainsi, si vous comptez l’offrir, vous avez toutes les chances de faire plaisir! Une idée cadeau à garder en tête…

Ondine Martinez

mercredi 10 septembre 2014

Des gags exotiques et sympathiques

C’est un recueil de strips humoristiques parus dans les années 80 dans la presse de Hong Kong que nous propose Gope, petite maison d’édition spécialisée dans l’Asie du Sud-Est. L’auteur, un dessinateur humoristique américain qui vit à Hong Kong depuis 1985, raconte le quotidien de Lily Wong, une jeune célibataire qui aime son travail et sa ville et entretient une drôle de relation avec Stuart, un "Gwailo" (c’est-à-dire "étranger", en l’occurrence un expatrié occidental un peu niais qui se prend gifle sur gifle).



Vieux de 30 ans, les strips en noir et blanc se déroulent avant la rétrocession de la colonie britannique à la Chine, effective en 1997. On y voit donc des habitants inquiets pour l’avenir, qui ne pensent qu’à obtenir un visa pour l’émigration direction le Canada ou l’Australie. Grâce à la famille caricaturale de Lily, ces strips sont également riches en enseignements culturels : une société chinoise stressée par la vie quotidienne, qui privilégie les garçons, qui n’accepte pas de perdre la face, qui cherche à réaliser le moindre petit profit, pleine de préjugés envers les Gwailos... D’une manière générale, les situations sont basées sur les différences de culture entre l’Occident et l’Asie.

Bref, des gags exotiques et sympathiques qui auront de quoi séduire les Européens, même trois décennies après.

01/09/2014

lundi 8 septembre 2014

Le monde de Lily Wong de Larry Feign, une tradition bien hongkongaise ou un cas d’espèce ?

1- BD occidentales et chinoises satiriques, une coexistence ancienne

L'humour, la satire et les autres procédés propres à la caricature occidentale ont été introduits dans la colonie de la Couronne par le magazine en langue anglaise The China Punch, le tout premier magazine de BD produit à Hong Kong. Il a été créé par des journalistes britanniques en 1867 et s'adressait à un lectorat assez restreint, anglophone et familier de ce type de caricature emprunté au magazine anglais Punch.

The China Punch dénigrait souvent les coutumes chinoises et louait la supériorité de la culture britannique, mais il combinait des éléments occidentaux et chinois. Il constitue ainsi une preuve imprimée de ce mélange de cultures occidentale et orientale qui est propre à Hong Kong. Par exemple, la couverture du 1er numéro nous montre un Occidental en costume de mandarin du gouvernement Qing ; ses bras grand ouverts semblent accueillir le lecteur dans une pose qui n’est pas sans rappeler L’Homme de Vitruve. En arrière-plan, le cercle de la planche anatomique de Léonard de Vinci devient un anneau qui ressemble au sceau britannique mais aussi à une porte de lune chinoise ; les dragons, le paysage et les bambous sont, quant à eux, des éléments typiquement chinois.

The China Punch fut l'un des premiers points d'entrée pour les BD politiques en Chine.

The China Punch, 1867 (auteurs inconnus).

Le 1er manhua dessiné par un Chinois à Hong Kong fut The Situation in the Far East. Imprimé au Japon en 1899 pour contourner la censure du gouvernement Qing, il est constitué d’une seule planche. « La Situation de l'Extrême-Orient » décrit les dangers politiques qui menaçaient la Chine (les puissances européennes et l’incurie chinoise).

L’auteur, Tse Tsan-tai, né et élevé en Australie, est venu vivre à Hong Kong en 1887, à l'âge de 17 ans. Il devint assez rapidement un partisan et un collaborateur de Sun Yat-Sen et, en 1903, il a cofondé le South China Morning Post dans lequel Lily Wong a brillé pendant de nombreuses années.

The Situation in the Far East, Tse Tsan-tai.

2- Hong Kong, un refuge

À cause de son statut particulier – détaché de la Chine continentale et de son gouvernement – Hong Kong a offert les conditions favorables à l'émergence, la production et la diffusion de BD politiques chinoises.

Après la 2e guerre mondiale, le strip de 4 vignettes ayant pour thème la vie quotidienne locale est devenu le format standard des manhua hongkongais.

Des années 60 jusqu'aux années 80, les BD politiques constituaient une partie négligeable de la production qui était dominée par les BD comiques et de kung-fu. Les dessins de presse anglophones étaient quant à eux teintés d’humour colonial condescendant.

C’est à partir des années 80, quand la rétrocession de Hong Kong à la Chine a commencé à devenir un sujet de préoccupation, que les BD politiques sont redevenues un genre à la mode. Les auteurs (chinois) de manhua les plus en vue, ainsi que Larry Feign, avaient pour cible principale la politique chinoise et anglaise à Hong Kong et l'incompétence du gouvernement hongkongais. 

© Larry Feign, 2014 pour la version française.

La loi encadrant les publications ne s'appliquant qu'aux magazines et aux BD, les journaux étaient ainsi à l'abri de la censure. Ce vide juridique a été exploité, notamment par de nombreux auteurs venant de la république populaire de Chine qui avaient trouvé refuge à Hong Kong, à partir du milieu des années 80. C’est pourquoi Larry Feign a eu toute latitude pour fustiger aussi bien le gouvernement hongkongais que Pékin dans The World of Lily Wong. Son comic strip quotidien, alors populaire à Hong Kong mais aussi à Taïwan, était l'une des pages les plus appréciées South China Morning Post, le 1er journal en langue anglaise de Hong Kong. En mai 1995, le comic strip a été supprimé, prétendument pour raisons économiques, mais Larry Feign a toujours prétendu qu'il s'agissait d'un cas de censure, donc, très vraisemblablement, un cas d’autocensure.

© Zunzi, 2014.

3- Larry Feign et Zunzi, deux figures de proue

Les auteurs chinois de comic strips, s’inspirant peut-être des dessins de presse occidentaux et/ou ayant pour souci de faire passer leurs messages,  ont compris que leurs œuvres devaient avoir trois composantes essentielles : une idée forte/un thème majeur, une représentation de gens ou d'événements et une narration qui pousse à la réflexion.

The World of Lily Wong obéit à cette règle et a été le premier comic strip satirique à paraître quotidiennement à Hong Kong, toutes langues confondues.

© Daniel Zabo, 1967.
« Selon les continents, la morale se situe au niveau du soutien-gorge ou de la jarretelle. »

Zunzi (尊子) a été l’un des nombreux auteurs chinois à renouveler le genre de la satire politique à la même époque, dans la presse en chinois.

À part Larry Feign, deux auteurs occidentaux, Daniel Zabo avec son Sweet and Sour, dollars billets doux, dans les années 60, et Helga Lanzendörfer, avec son So This Was Hong Kong, dans les années 80, ont dépeint la vie locale dans des ouvrages qui sont à mi-chemin entre le carnet de voyage et la bande dessinée.

© Helga Lanzendörfer, 1984.

mercredi 3 septembre 2014

Une BD humoristique très originale

Larry Feign, une peste hongkongaise de caricaturiste qui fit trop rire jaune Deng Xiaoping



L’ensemble des aventures de « Lily Wong » sont parues de 1986 à 2001, d’abord dans des journaux de Hong Kong (au cours de 1995 la parution d’interrompit du fait des pressions du gouvernement chinois sur le South China Morning Post), puis dans un journal anglais pour un trimestre en 1997 (les trois derniers mois avant la rétrocession de la concession à la Chine), puis de nouveau dans un autre journal de Hong Kong entre mai 2000 et septembre 2001.
L’album The World of Lily Wong était paru en 1988 à Hong Kong et il s’agit des premiers strips de la série. Par la suite, d’autres albums en anglais ont vu le jour comme Quotations from Lily Wong.

Nous découvrons une famille caricaturale chinoise de Hong Kong préoccupée par le sort qui va être fait à la Colonie, donc hésitant pour savoir si et où elle va émigrer. D’ailleurs, au passage sont mis en évidence des préjugés de certains peuples sur d’autres, comme par exemple les complexes des Australiens par rapport aux Anglais qui se traduisent par certaines représentations.

Le père, la mère, un fils et une fille composent cet ensemble. Le père est celui qui a le plus de préjugés sur les Occidentaux et qui montre de façon très caricaturale l’intérêt très supérieur qu’il a pour son garçon par rapport à sa fille ; le fils est un fainéant qui ponctuellement est serveur dans un restaurant (d’où situations comiques en rapport). Ses problèmes de cœur avec une Chinoise et ceux de sa sœur avec des Occidentaux sont d’autres motifs à plaisanterie ; d’une manière générale on propose des situations où il y a des chocs entre la culture occidentale et la culture asiatique. Le stress de la vie dans la concession et la recherche de moyens pour s’enrichir (y compris par le jeu où le fils aîné perd systématiquement) constituent d’autres éléments qui prêtent à sourire. Dans ce volume, écrit dix ans avant la rétrocession, les allusions à la Chine continentale sont d’ordre très général; par la suite l’univers des policiers et dirigeants chinois prend une place certaine.

En trois à cinq vignettes […], le strip du Monde de Lily Wong se déroule et se clôt par un gag final. En bref, voilà une BD humoristique très originale qui devrait séduire les adultes européens par ses côtés irrévérencieux mais jamais vulgaires.

Jules Romans, le 23 août 2014.